La petite serveuse du café d'en face.
Tous les jours, je la surveillais. Je la trouvais magnifique la petite serveuse du café d'en face. Elle était splendide dans son tablier, malgré ses ongles cassés et son vêtement taché. J'étais artiste et tous les jours je contais la vie de cette petite serveuse du café d'en face. Par ma fenêtre je la voyais très bien. Elle habitait au dernier étage de l'immeuble au dessus du café. Et tous les matins je la voyais mettre en place les chaises, ouvrir les rideaux et faire le ménage dans son grand vêtement taché. Et tous les soirs, je la regardais ranger les chaises, fermer les rideaux, après avoir fait le ménage. Et pendant la journée, je l'admirai, servir sur son plateau les commander, faire onduler son tablier et slalomer avec grâce entre les tables du café d'en face. Elle était bien misérable dans sa condition, mais jamais elle ne courbait l'échine. Elle marchait toujours avec le dos droit. J'étais tombé peut-être amoureux. J'espérai tous les matins avoir assez de courage pour traverser la rue, m'assoir à la terrasse et regarder de plus près la petite serveuse du café d'en face. Mais jamais je n'ai osé l'aborder. Et un jour je l'ai vu arriver devant ma porte. Elle a tapé. Je lui ai ouvert et je l'ai regardé. Elle m'a tendu un papier. C'était une feuille du livre que j'écrivais sur elle. Et elle m'a remercié. De quoi ? D'avoir fait parler cette misérable illettrée. Et d'avoir pu imaginer qu'elle était belle et gentille. Avec ses cheveux bruns remontés et ses yeux bleu cernés, son tablier taché et sa robe déchirée, qu'elle était belle la petite serveuse du café d'en face. On lui avait lu cette page et elle avait pleuré, en apprenant que c'était elle la muse de mon essai. Depuis, je la regarde de près et sa condition s'est améliorée. Mais elle n'a pas perdue sa grâce, ni sa splendeur. Elle sert toujours les commandes dans son jolie tablier et sa petite robe raccommodée à la terrasse du café d'en face. La petite fille du café d'en face traverse maintenant la rue tous les soirs pour venir me voir. Elle sait maintenant lire et écrire. Et moi je sais l'aimer, je ne me contente plus de l'observer, la petite serveuse du café d'en face.
Elsa Bren.